Comme un bilan
Je
sais qu'il ne faut pas que je reste focalisée sur le désastre de
mercredi soir. Je dois oublier jusqu'à ce que le moment de lui dire ce
que je lui reproche, en prenant garde à ne pas lui mettre sur le dos
des choses pour lesquelles je ne peux en vouloir qu'à moi-même, se
présente. Et ça arrivera, si au moment de parler j'en ai toujours le
courage, si je n'oublie pas mes griefs ni mes griffes.
A
chaque fois que je m'assieds devant mon ordinateur toutes les choses
que je voulais écrire m'échappent. Ça doit être le clavier, ou l'écran
qu'en sais-je, mais je ne peux pas toucher mes mots. J'ai besoin des
pages d'écriture, de voir à travers les mots, mon écriture, ce que je
ressens en les écrivant ; mes feuilles de papier blanc sont beaucoup
plus vivantes. Il me faut des ratures, des fautes d'orthographe, des
gribouillages et des tâches d'encre
Juste pour moi. Un premier jet
personnel, intime. Le second public et présentable. Pas de "C'est mon
blog, j'y mets toutes les conneries que je veux !", mais plutôt du
"C'est mon blog, j'en fais ce que je veux !" un espace orange et bleu
ciel, léger, lumineux en images si les mots n'y suffisent. Ce n'est pas
vraiment ce que je suis. Plutôt ce que j'aimerais devenir.
Quand
je me regarde dans le miroir ces derniers temps j'ai parfois
l'impression que mon reflet est différent de ce qu'il était il y a
juste quelques semaines. Probablement parce que c'est ce qu'il me
semblerait normal d'être devenue un peu différente. Non pas parce qu'il
y a encore deux mois j'étais encore vierge, non, je crois que cela n'a
rien à voir, même si maintenant j'ai un rapport différent avec ma
féminité, mieux acceptée, comprise comme se passant finalement
d'artifices un pas de réalisé, j'accepte mon corps, peut-être bientôt
m' accepterais-je dans mon tout. Mais
j'ai l'impression d'être à une étape charnière de ma vie. Adieu la vie
d'écolière
C'est l'Antigone étudiante qui naît cet été.
Cependant je ne suis pas capable de vivre cette période d'entre deux de
la manière la plus intelligente. Je demeure paralysée par mes peurs
irrationnelles, ma timidité excessive que j'ai l'impression d'exagérer
artificiellement, allez savoir pourquoi ; ça doit être un filet de
protection qui m'empêche d'aller m'éclater contre le monde réel,
triste, affligent, mais surtout effrayant. J'ai l'impression qu'il
suffirait de peu pour que je quitte cet immobilisme dans lequel je
semble me complaire qui pourtant m'oppresse. Mais j'ai été si longtemps
immobile que je n'ai malheureusement pas l'élan nécessaire pour ne
sortir de l'attraction
Je trouverais.
Je déteste téléphoner. Je repousse tous les appels que je dois faire à tel point que lundi je ne vais pas m'en sortir.
Dentiste.
Administration communale.
L'école où j'avais projeté d'entrer.
Le monsieur qui m'avait proposé un stage qu'il fallait que je fasse pour aller dans cette école-là.
La directrice de mon ex-lycée.
Mon ex-prof de maths.
Ma psy.
L'auto-école.
Mais une fois ces épreuves accomplies, si possible sans me mettre à
bégayer bêtement, je vais être euphorique pendant au moins trois jours,
en proie à un soulagement hors du commun, pire que ce que je ressens
quand les roues de l'avion touchent enfin le sol après un vol
terrifiant
Appeler
ma psy parce que j'avais encore oublié mon rendez-vous, pour en prendre
un autre. Deuxième fois de suite que j'oublie. Actes manqués ? Je pense
arrêter de la voir après le prochain rendez-vous. Je crois que je n'en
ai plus besoin, peut-être même n'en ai-je jamais eu besoin.